Ce blog a pour but de présenter une vision spirituelle de la tradition chrétienne
De nos jours, on définit parfois l'homme en deux parties, le corps et l'âme. Dans cette vision des choses, on ne perçoit plus la différence entre âme et esprit qui sont assimilés comme une seule et même chose.
Pourtant Saint Paul et les pères de l'Eglise définissent une structure de l'homme en trois parties : le corps, l'âme et l'esprit.
« Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers, et qu'il garde parfaits et sans reproche votre esprit, votre âme et votre corps, pour la venue de notre Seigneur Jésus Christ. » (Saint Paul, 1 Thessaloniciens 5, 23).
Certains auteurs chrétiens définissent l'esprit comme la pointe extrème de l'âme, son coeur, son centre, ou l'âme de notre âme. Mais pour que cette affirmation soit comprise dans son juste sens, il me semble important d'étudier la vision de l'homme décrite par les premiers chrétiens. Tentons donc de définir ces trois parties de l'homme :
Le corps, tout le monde le comprends aisément, c'est notre physique, la dimension matérielle de notre être.
L'âme c'est ce que l'on pourrait définir dans le langage contemporain comme notre psychisme. Cela comprends toutes nos pensées, nos émotions, nos perceptions, nos ressentis, nos instincts (qui sont un vécu de l'âme à propos du corps), toutes les facultés de notre âme (volonté, imagination, mémoire...), bref tout ce que peut percevoir notre conscience, tout ce qui anime notre corps. Notre âme est constituée de l'ensemble de ce dont nous sommes conscient dans le présent et de la mémoire, consciente et inconsciente, de tout ce que nous avons expérimenté dans le passé (car notre inconscient enregistre absolument tout ce que nous avons vécu : toutes les pensées, toutes les émotions, toutes les sensations...). C'est notre âme qui fait notre personnalité : si par exemple quelqu'un a une personnalité douce, c'est qu'il a développé en lui, par le passé, l'habitude de réagir avec douceur aux expériences qu'il ou elle vivait. Lorsque l'on dit « c'est ma nature, je suis comme ça, je ne peux pas changer », on se trompe car ce que nous appelons ici « notre nature » n'est en fait qu'une somme d'expériences vécues par notre âme et stockées dans notre inconscient. Si nous prenons la ferme décision de changer, et que nous commençons à développer de nouvelles habitudes, avec le temps, ces nouvelles habitudes vont devenir plus fortes que les anciennes et notre personnalité changera. Notre personnalité, contrairement à ce que nous pensons souvent, n'est pas prééxistante, nous l'avons nous-mêmes créée par la manière dont nous avons réagit aux différentes expériences de notre vie. Ce qui est prééxistant en nous, c'est l'image de Dieu, car Dieu nous a créé à son image et à sa ressemblance. Mais nous sommes dans une certaine confusion du fait que nous assimilons le centre de notre être à notre âme : nous croyons que dans notre âme il y a un moi immuable, avec sa personnalité, qui pense, qui ressent... Or, l'âme n'est pas un être qui pense et qui ressent : il n'y a pas d'un côté l'âme et de l'autre ses expériences psychiques (pensées, émotions...etc) ; sa substance même est constituée de l'ensemble de toutes nos expériences psychiques.
L'esprit c'est ce qui est au centre de notre âme, c'est notre être lui-même, et c'est une ouverture sur la lumière infinie de Dieu. Les Pères de l'Eglise disent que c'est notre faculté contemplative qui tend vers Dieu et que c'est en nous l'image de Dieu. Nous sommes tous conscients d'avoir un corps et une âme (qui sont en quelque sorte à la périphérie de notre être), mais généralement, nous ne percevons pas notre esprit. Car l'esprit est au delà du psychisme. Il n'est ni une partie du psychisme, ni un aspect du psychisme, ni un état particulier du psychisme. Il est en dehors, au delà. Il ne peut être perçu ou compris par notre psychisme et tous les mots pour l'exprimer sont imparfaits. Définir l'esprit comme le coeur de l'âme est intéressant, car cela nous aide à comprendre que de la même manière que notre âme habite notre corps tout en n'étant pas limitée par ses limites spatio-temporelles, l'esprit habite l'âme tout en n'étant pas limité pas ses limites psychiques. D'autre part définir l'esprit comme quelque chose d'autre que l'âme est aussi très util. Cela nous montre que pour accéder à l'esprit il ne faut par chercher à faire taire notre psychisme, mais regarder au delà. Ainsi, les Saints contemplatifs expliquent très bien que pour accéder à Dieu au travers de notre esprit (qui est unit à Lui), il ne sert à rien de lutter contre les pensées et tout ce que nous ressentons, mais il faut aller au delà. L'esprit étant au delà du psychisme, tous deux peuvent coéxister dans notre conscience, de la même manière que nous pouvons être conscient de notre âme tout en étant conscient de notre corps.
Essayons maintenant de définir la structure ternaire de l'homme par une image métaphorique. Celle-ci peut nous aider à mieux comprendre ce qui est dit ici.
Tout d'abord, on peut comparer notre esprit à une étoile, au sens où les peuples primitifs (les amérindiens par exemple) se la représentaient. Pour eux, une étoile était un trou dans la voute céleste qui laissait passer la lumière divine qui ainsi pouvait parvenir jusqu'à la terre. Notre esprit sera donc définit par ce trou, cette ouverture dans notre être, qui laisse passer la lumière divine, et aussi par la lumière qui le traverse car la lumière et l'ouverture ne peuvent être séparées (la lumière peut exister sans ouverture -bien qu'alors elle ne se manifeste pas dans le monde-, mais s'il y a ouverture, il y a nécessairement de la lumière qui passe au travers).
Imaginons ensuite un prisme, placé juste au bord de l'atmosphère de la Terre, dans l'axe de l'étoile et du faisseau de lumière qui la traverse. Ce rayon de lumière divine, blanche (rien ne peut permettre de définir la lumière divine, pas même une couleur, mais ce blanc est util pour notre conparaison) rencontre le prisme qui sépare cette lumière en les septs couleurs de l'arc en ciel (voir l'image ci-dessous). Ces couleurs traversent l'atmosphère et viennent colorer la surface de notre planète.
Dans cette comparaison, on pourra assimiler notre âme à l'ensemble du prisme et des lumières colorées qui traversent l'atmosphère. Le prisme représentera tout ce qui est emmagasinné dans notre psychisme et qui constitue nos habitudes et notre personnalité, façonnées par notre passé. Les lumières qui traversent l'atmosphère représentent nos pensées, nos émotions, nos intentions, bref tout ce qui apparaît dans notre psychisme dans le présent. Les lumières qui apparaissent à la surface du globe terrestre représentent nos paroles et nos actions, qui ont leur origine dans notre psychisme et qui se manifestent dans le monde au travers de notre corps.
L'âme d'un Saint pourra être comparée à un cristal pur : la lumière divine devient, en passant au travers de cette âme, de magnifiques couleurs pures qui peuvent représenter autant d'états d'esprit vertueux. Les lumières qui arrivent sur la Terre restent pures, ainsi, les paroles et actions du Saint sont vertueuses et source de Bien, elles rendent le monde meilleur.
Les Saints, on le voit en lisant les récits de leurs vies, ont tous des personalités différentes, et expriment l'Amour de Dieu chacun à leur manière. Dans notre comparaison les Saints sont tous des cristaux purifiés, translucides, mais on peut dire que suivant les Saints, suivant leurs expériences, les choix qu'ils ont fait et les voies qu'ils ont choisit, chaque cristal est taillé de manière différente -cette taille symbolise la personnalité du Saint- ce qui induit qu'il sépare la lumière différement : l'âme de tel Saint par exemple est un cristal qui émet plus de rouge, ainsi, sa charité se manifeste davantage par des actions, tel autre émet plus de bleu et son âme est davantage contemplative.
L'âme d'un être ordinaire pourra alors être comparée à un cristal souillé. Elle est moins réceptive que celle d'un Saint à la Puissance qui est au dessus d'elle et qui la dépasse (celle de Dieu). Les couleurs qui sortent de ce prisme sont alors assombries par les souillures, ainsi, celui-ci projette sur la terre des lumières plus ou moins sombres. Cela signifie que les pensées et intentions d'un être ordinaire sont plus ou moins imprégnées d'amour, ce qui fait que ses paroles et ses actes, seront plus ou moins vertueux, plus ou moins nuisibles aux autres et à l'âme elle-même.
De cette comparaison on peut également déduire que dans une pensée, une parole ou un acte non-vertueux, demeure la lumière divine. Mais cette lumière est déformée, obscurcie par les taches du cristal qui sont créées par l'homme, du fait de son libre arbitre.
En effet, comme le dit Saint Augustin, le mal ne tiend pas son existence de lui-même, ou d'un principe mauvais, son essence profonde est divine car tout ce qui existe ne peut exister que parce que Dieu -qui est l'Être, le principe d'existence- est en lui.
Le mal n'est pas non plus créé par Dieu : c'est l'âme souillé d'un être qui déforme la vie qu'elle reçoit de Dieu -bonne et aimante par nature- et la transforme en mal, car Dieu a créé toutes choses bonnes : « Et Dieu vit tout ce qu'il avait fait : c'était très bon. » (Génèse 1, 31).
Avec l'habitude de la pratique spirituelle, on peut aussi et avant tout constater ce fait en nous : lorsque nous purifions complètement une émotion négative, alors il reste l'amour et la paix qui viennent de Dieu et qui étaient contenues dans l'émotion en question et voilés par elle.
J'ai lu ou entendu dire par un exégète que les commentateurs des écritures sont souvent dans l'embarras pour distinguer, dans la Bible l'esprit avec un petit « e » (notre esprit) et l'Esprit avec un grand « E » (Dieu). En effet, dans notre comparaison, peut on dire que la lumière qui sort de l'ouverture de notre esprit (de l'étoile) est différente de la lumière de l'Esprit qui est au delà du trou, derrière la voute céleste ? Ces deux lumières sont une. La lumière avant l'ouverture est Dieu, et la lumière qui passe au travers du trou est aussi Dieu, mais elle s'exprime comme un rayon, dans l'espace d'un être. L'esprit est l'étincelle divine qui est en chaque être, et cette étincelle n'est pas une partie de Dieu, elle est une avec Dieu, de même qu'une vague est une avec la mer. Dans l'esprit, l'homme accède à l'unité avec Dieu et à la transcendance, car si l'âme et le corps sont le lieu de notre moi, l'esprit lui est en dehors du moi.
Dans notre fonctionnement habituel, nous nous identifions à notre corps (« je suis mon corps ») et à notre âme (« je suis ce que je pense et ce que je ressens »). Mais pour accéder à notre dimension spirituelle, nous devons aller au delà de ce nous-mêmes dont nous avons l'habitude. « C'est en s'oubliant que l'on se retrouve soi-même » dit Saint françois d'Assise. C'est en acceptant de nous vider de nous-mêmes que nous retrouvons le véritable centre de notre être (notre esprit) qui lui-même est, en tant que vide, ouverture à Dieu.
Il me semble que nous pressentons parfois ce vide mais que nous en avons peur et que nous cherchons à le combler... par des possessions matérielles, des relations affectives, de la reconnaissance, du savoir, des émotions...etc. Ces choses ne sont pas mauvaises et nous ne sommes pas dans l'erreur en les utilisant de manière juste ; là où nous nous trompons c'est quand nous croyons qu'elles vont combler notre vide intérieur et nous donner un Bonheur durable. Mais ce vide intérieur, rien au monde ne peut le combler... En fin de compte, celui-ci est une dimension de notre être que nous devons reconnaître et accepter et qui a pour fonction de recevoir la Grâce de Dieu qui, elle seule, peut nous combler indéfiniment... Car comme toutes les créatures de Dieu, nous sommes tirés du néant, c'est à dire qu'en tant que 'moi' nous sommes vides : notre être ne nous appartiend pas, il est à Dieu, et grâce à Lui, il est plénitude...
C'est pourquoi nous ne pouvons d'aucune manière saisir la Grâce qui se deverse en nous : à l'instant où notre conscience, comme une bouche, se referme pour s'accaparer cette nourriture que Dieu lui donne, ce pain du ciel ne peut plus entrer en elle.
Le cheminement spirituel consiste donc à prendre conscience de notre essence profonde qui est ouverture à Dieu et à purifier notre âme à l'aide de la Grâce afin qu'elle devienne capable d'exprimer dans le monde la lumière qu'elle reçoit de Dieu. Ainsi, ayant reconnu notre esprit qui est unit à Dieu, et purifié notre âme, tout notre être ne fera qu'un avec Dieu, sera l'expression de Dieu. Par l'ouverture de notre esprit, Dieu commandera à notre âme qui a son tour s'exprimera dans le monde au travers de notre corps.
La véritable purification concerne donc notre âme car elle seule peut-être bonne ou mauvaise : notre esprit est pur (mais caché, inconscient) et notre corps est neutre, il exprime simplement ce dont l'âme est porteuse.
On peut aussi comprendre, grâce à notre comparaison, l'affirmation des théologiens qui disent que Dieu ne peut être perçu et que l'on ne peut qu'être un avec Lui. En effet, celui qui purifie totalement son âme et prend conscience de son esprit (au dessus du prisme de notre comparaison) se retrouve complètement illuminé par la lumière divine mais il ne voit rien, il est comme dans l'obscurité (dans la nuit obscure de Saint Jean de la Croix). Il voit les effets de Dieu sur son âme mais Dieu lui-même il le contemple dans la divine ténèbre selon l'expression du pseudo Denys l'Aréopagite.
Comment cela se fait-il ?
En voici l'explication selon notre métaphore : Lorsque l'on regarde le ciel la nuit, ormis les étoiles et la lune, il nous apparaît noir, totalement obscur. Pourtant les physiciens nous disent qu'il est emplit de lumière... Mais comme l'espace céleste et vide de toute particule, la lumière ne peut apparaître, car elle ne rencontre rien et n'éclaire donc rien. En effet, la lumière ne peut être perçu en elle-même : elle n'apparait que lorsqu'elle rencontre un objet qu'elle éclaire. Il en est de même de Dieu : lorsqu'un Saint parvient à la contemplation suprème de Dieu, au delà de toute pensée, de tout ressenti, de toute imagination, en un mot, au delà du psychisme, il est en communion avec Dieu, il voit Dieu en Lui-même, mais il ne voit rien : comme dirait Sainte Thérèse d'Avila, il voit Dieu sans voir car son entendement (son intellect) ne peut rien saisir et comprendre de ce qu'il voit.
En lien ci-dessous une étude de 13 pages sur la conception corps-âme-esprit des premiers chrétiens, avec citations de Pères de l'Eglise, de la Bible...
http://www.wccm.fr/wp-content/uploads/2016/03/fromaget_anthropologie.pdf