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  • : Ananie
  • : Ce blog a pour but de présenter une vision spirituelle de la tradition chrétienne
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10 décembre 2012 1 10 /12 /décembre /2012 16:32

Tout d'abord qu'est ce que le mal ?

Selon la tradition chrétienne, le mal c'est le péché, c'est à dire ce qui nous détourne de notre véritable nature qui est l'amour.

Ainsi nous pourrons mettre par exemple sous ce terme ''mal'' des choses comme : la haine, la jalousie, le fait de se placer sans cesse comme supérieur aux autres, ou de leur imposer sa volonté par la force...etc.

 

Les premiers chrétiens ont beaucoup réfléchis à ce problème du mal et se sont posés de nombreuses questions à ce sujet, notamment sur son origine.

Dans cette réflexion inspirée par les textes bibliques et leur expérience de la présence de Dieu, ils se sont opposés à deux idées que l'on retrouve pourtant encore souvent de nos jours.

  • La première consiste à dire que Dieu a créé le bien, et qu'un diable ou un autre dieu, mauvais par nature, a créé le mal. De ces théories découlent aussi souvent des idées d'opposition entre l'esprit et la matière : l'esprit étant considéré comme bon par nature et la matière mauvaise par nature. Mais cette vision des choses s'oppose à celle du Christ et de la tradition biblique qui font de la matière le lieu d'incarnation de l'esprit, et nous présentent Dieu comme le Père, c'est à dire l'unique créateur de toutes choses existantes.

  • Une autre idée courante chez ceux qui tentent de résoudre cette question consiste à dire que le mal n'existe pas, qu'en fait tout est parfait et se déroule selon la volonté de Dieu. Là encore cette vision des choses s'oppose à la vision chrétienne, car elle déresponsabilise l'homme, lui enlève son libre arbitre ainsi que toute possibilité d'évolution (s'il n'y a aucune dysharmonie en nous, comment nous améliorer ?). De plus elle est une négation de la miséricorde divine : croire que les atrocités qui sont commises envers les plus faibles pourraient découler de la volonté d'un Dieu qui imposerait ses volontés pour installer le monde dans sa présence, au mépris de la souffrance des hommes, vient à mon avis d'une très grande méconnaissance de l'amour.

 

La tradition chrétienne, quand à elle, dit que le mal existe, mais qu'il n'est pas une création de Dieu.

Pourtant, elle dit en même temps que Dieu a créé tout ce qui est, et que rien n'existe s'il ne lui donne pas l'existence qu'il est lui-même. C'est à dire que pour qu'elles existent, Dieu doit habiter dans toutes choses, y compris dans le mal.

 

Pour résoudre cette contradiction, il faut faire une distinction entre la création qui appartient à Dieu, et ce que l'on pourrait appeler la fabrication dont l'homme est responsable dans son libre arbitre.

La création n'appartient qu'à Dieu qui crée tout ce qui existe à partir du néant.

Ainsi Dieu donne à l'univers visible et invisible d'exister. Il permet ainsi aux éléments, aux pierres, aux plantes, aux créatures vivantes d'exister, en leur donnant en partage son Être. De même il permet aux pensées, aux émotions, aux sentiments spirituels, à la volonté...etc, d'exister.

Ensuite, l'homme, à partir de ce qui existe déjà et que Dieu a créé, peut fabriquer, c'est à dire agencer selon sa volonté des choses créées pour produire des choses nouvelles (qui ne sont pas des créations à partir du néant mais des agencements particuliers de choses déjà existantes).

 

Pour illustrer cela, utilisons l'exemple d'une tarte aux pommes.

Pour que cette tarte aux pommes puisse exister, il faut qu'il existe au préalable des pommes, du blé que l'on moud pour faire la farine, des vaches dont on tire le lait puis le beurre, des plantes dont on tire le sucre.

Tout cela découle de l'action de Dieu qui donne d'exister à toutes ces choses.

Bien sur l'homme peut réaliser des croisements entre des espèces de pommes ou de vaches, et même, pourquoi pas, faire des manipulations génétiques. Mais il ne peut insuffler la vie à une chose inanimée, il ne peut non plus créer à partir de rien.

Mais reprenons l'exemple de la tarte aux pommes : à partir de tous ces ingrédients que Dieu a créé à partir du néant, auxquels il a donné d'exister, et qui sont bons par nature, l'homme peut fabriquer une tarte aux pommes en agençant ces différents éléments entre eux et en leur faisant traverser différents processus comme la cuisson, la découpe, le mélange.

 

Dans son processus de fabrication l'homme est libre de manipuler les différents éléments, mis à sa disposition par Dieu, selon son bon vouloir. Ce qui est une image du libre arbitre.

Ainsi, si la tarte aux pommes est mauvaise, cela ne sera pas du aux ingrédients de départ, mais à l'action de l'homme qui n'aura pas suivi avec application une bonne recette, ou qui n'aura pas respecté la nature des ingrédients de départ (en récoltant des pommes pas assez mures par exemple). Il obtiendra alors une tarte par exemple beaucoup trop sucrée, trop acide ou trop cuite, et on pourra dire qu'elle est mauvaise.

 

De même le mal est comme une mauvaise tarte aux pommes : c'est un mauvais agencement d'éléments bons par nature.

Le mal n'est pas une création de Dieu, mais une mauvaise fabrication humaine.

 

Et il en est de même pour le mal qui réside en tout homme : c'est un mauvais agencement d'énergies psychiques qui le constituent, mais qui sont bonnes par nature.

 

Utilisons une autre comparaison pour l'illustrer : Être habité par le mal c'est comme d'avoir reçu une boite de légos qui permet de construire un temple mais de ne pas avoir suivit le plan fourni avec et d'avoir construit un monstre à la place.

Ainsi ce monstre est en quelque sorte le mal qui nous habite. Mais ce mal est constitué des mêmes pièces de légos qui pourraient servir à construire le temple.

De même toute mauvaise tendance qui nous habite est constituée d'énergies bonnes par nature car créées par Dieu.

 

Prenons l'exemple de la colère : la colère est une force qui peut être destructrice pour nous mêmes et les autres, à moins qu'elle soit bien gérée. On pourrait donc dire qu'une colère non canalisée de manière constructive est mauvaise, car elle nous détourne de l'amour.

Or, il arrive par exemple, que la colère soit une énergie d'affirmation, de discernement et de respect de soi qui a été réprimée et qui ressort de manière explosive à un moment donné. Ainsi, il est fréquent que nous réprimions, sans nous en rendre compte, à cause des conditionnements du monde, un mouvement interne spontané qui voulait nous pousser à exprimer une vulnérabilité ou un mécontentement de manière juste. Cette répression engendre alors en nous de la frustration et parfois de la violence, et nous finissons par exploser, ou par retourner cette force contre nous-mêmes en nous culpabilisant et en nous auto-dénigrant.

Pourtant cette énergie qui devient explosive et destructrice, ou auto-destructrice, parce qu'elle a été trop réprimée, est la même qui constituait la juste affirmation du départ qui cherchait à s'exprimer de manière constructive pour nous-mêmes et autrui.

 

Ainsi, toutes les énergies qui constituent notre âme sont toujours lumineuses et bonnes par nature, car nous avons été créés par Dieu, à son image.

Cependant lorsque, en nous détournant de la volonté divine, nous réprimons ces énergies qui nous animent, ou les déformons par rapport à leur nature originelle, cela engendre le mal, c'est à dire l'arrêt de la libre circulation de l'amour en nous (pour nous-mêmes et autrui), et à terme la souffrance pour nous mêmes et les autres.

 

On pourrait penser que ce développement philosophique n'est qu'un discours intellectuel abstrait, mais je crois que voir les choses ainsi a de grandes incidences et est même absolument nécessaire dans la voie de sanctification chrétienne.

 

Car une telle conception des choses amène la possibilité de percevoir la présence de Dieu en toutes choses existantes, c'est à dire en tout être vivant qui ne peut alors plus être considéré comme mauvais par nature.

Si une personne engendre le mal et la souffrance, c'est qu'elle s'est détournée de sa nature véritable.

Si notre pratique chrétienne n'est pas sous tendue par une telle vision des choses, alors elle devient uniquement un entrainement à la pratique des vertus : dans notre quotidien et nos actions de tous les jours nous contrôlons nos mauvais penchants et à cherchons à utiliser les vertus dont nous disposons en les faisant croitre peu à peu par l'entrainement.

Cette pratique qui cultive les tendances au ''bien'' n'est bien sur pas condamnable et est à mon sens absolument nécessaire pour la vie chrétienne. Mais cette pratique ne constitue pas une voie spirituelle à elle seule.

 

Car la voie spirituelle chrétienne consiste à se laisser recréer par Dieu, c'est à dire à le laisser agir en nous pour qu'il illumine peu à peu toutes les parties de notre être et les divinise. Et cela inclus aussi nos défauts.

Cela demande, en plus de la pratique des vertus dans nos actions quotidiennes, d'accorder du temps à cette action de Dieu en nous pour nous laisser façonner par Lui.

C'est cela qui nous conduira à la Sainteté.

Cependant, il nous sera difficile de faire cela si nous ne pratiquons pas déjà la vertu au quotidien. En effet, si nous passons notre temps à suivre notre égocentrisme et notre orgueil, notre esprit sera sans cesse agité, et il nous sera bien moins aisé de le tranquilliser dans la prière pour le regarder tel qu'il est à la lumière de la présence divine.

 

Car dans les moments consacrés à la prière, il s'agit de ne surtout pas refouler nos mauvaises tendances et de les enfermer à double tour dans un recoin de notre âme, mais plutôt de les accepter et de les placer dans la lumière du Christ pour qu'il les défasse peu à peu, et les réorganise selon le plan de Dieu.

 

Si nous reprenons l'exemple précédent de la juste affirmation réprimée, et déformée qui se transforme en colère :

 

Nous pourrons tenter de gérer cette colère dans notre quotidien afin qu'elle nuise le moins possible. Là encore nous ne serons pas dans le refoulement : nous verrons cette colère, et en la voyant nous pourrons mieux la gérer. Car si nous la refoulons, elle finira tôt ou tard par échapper complètement à notre contrôle : nous ne pouvons gérer que ce dont nous sommes conscients. Dans notre quotidien, nous gèrerons donc cette colère en en étant conscient et en ne nous laissant pas déborder par elle.

 

Mais dans les moments de prière il en sera tout autrement : nous laisserons monter cette colère en nous, et même déborder par elle, tout en nous reliant au Christ, pour placer cette colère en sa présence et le laisser la transformer peu à peu.

 

 

 

En transposant ce travail sur la colère avec l'image des légos :

  • Le Christ va défaire progressivement les pièces qui constituent le monstre, c'est à dire que sa présence va décortiquer notre colère point par point pour nous la montrer telle qu'elle est, dans tous ses aspects et ses causes. Il s'agira d'une prise de conscience directe, d'un vécu libérateur, et non d'une simple compréhension intellectuelle.

  • Cette présence de Jésus va aussi réutiliser les pièces de légos qui constituaient le monstre pour les ré-agencer de manière juste, selon leur véritable nature telle qu'elle a été crée et voulue par Dieu, c'est à dire imprégnée d'amour, pour recréer le temple, c'est à dire ici une force de juste affirmation de soi et de discernement (par exemple).

 

Mais ce processus ne se passe pas forcément en deux temps, c'est une image et en fait tout se passe simultanément : c'est comme si chaque pièce de légo défaite retrouvait presque immédiatement sa juste place, dans le fait même d'avoir été délogée de son travers.

 

L'important est de voir ici, que se serait une erreur de refouler sans cesse notre colère, car étant constituée d'énergie de juste affirmation, en rejetant cette colère, nous rejèterons en même temps cette capacité à la juste affirmation de soi et nous nous en priverons.

Et cela nous empêchera tout autant de nous exprimer nous-mêmes que de laisser Dieu s'exprimer à travers nous.

De plus cela ne résoudra absolument pas le problème de cette colère qui pourra ressurgir dès que les évènements de la vie la réactiveront.

 

Car aucun mal refoulé ne pourra l'être indéfiniment. Il réapparaitra tôt ou tard, ne serait ce qu'au moment de notre mort : « Tout ce qui est voilé sera dévoilé, tout ce qui est caché sera connu. Aussi tout ce que vous aurez dit dans l'ombre sera entendu au grand jour, ce que vous aurez dit à l'oreille dans le fond de la maison sera proclamé sur les toits. » (Lc 12, 2 et 3).

En effet, pour maintenir un refoulement, il faut un moi conscient (qui peut user de sa volonté pour refouler) et un corps (qui se contracte pour maintenir hors du ressentis les sensations et émotions refoulées). Or ce moi conscient et ce corps disparaissent au moment de la mort, et tout ce que nous avions refoulé, de fait, ressurgit.

 

Ainsi, pour purifier notre âme, passons du temps dans la prière pour laisser le Christ agir en nous par l'intermédiaire de l'Esprit Saint, sans rien chercher à lui cacher, confiants en son amour illimité.

Car lui seul possède la recette ou le plan du temple en légos. Il est en fait lui-même cette recette ou ce plan qui permettra à notre âme de devenir le temple de Dieu.

 

 

Mais cette recette n'est pas constituée de mots et de chiffres, de formules toutes faites. C'est plutôt une présence vivante qui se révèle à nous au plus profond de notre âme, qui nous éclaire et nous instruit sans image ni parole, lorsque la prière nous amène à accepter absolument tout ce qui nous constitue et à le placer sous le regard de Dieu.

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